A l’heure du réchauffement climatique, il est de bon ton, dans le milieu commercial, de veiller à son image écologique. Le rejet d’émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et une consommation démesurée des ressources terrestres, pourtant dénoncés dès les années 1970 par des ONG environnementales, sont entrés dans les consciences et sont désormais des critères de choix pour les consommateurs.
Le greenwashing : les effets néfastes d’une communication marketing douteuse
Traduit par écoblanchiment, cet anglicisme est une déclinaison écologique de l’expression première whitewashing : blanchiment. Tout comme en français, ce terme n’est pas seulement lié à la buanderie et s’emploie au sens figuré comme pour le blanchiment d’argent, par exemple. Le greenwashing est une stratégie marketing de communication des organisations qui souhaitent redorer leur blason et dissimuler leurs activités polluantes sous une image éco responsable.
Utilisé par les ONG pour dénoncer les pratiques trompeuses des multinationales industrielles, il devient au début des années 2000 un terme populaire du journalisme écologiste. En plus de porter préjudice aux organisations qui sont réellement engagées dans une démarche RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) et de développement durable, le greenwashing repéré donne mauvaise presse à ceux qui abusent de cette publicité mensongère.
Comment repérer le greenwashing ?
Les stratégies de communication qui usent du greenwashing sont traquées par les ONG, l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) et l’ARPP (Autorité de Régulation des Professionnels de la Publicité) en France.
Des critères ont été établis par les ONG pour déceler ce qui relève du greenwashing dans la communication des entreprises :
- le faux écolabel, imaginaire ou autoproclamé par l’entité sans aucun référentiel reconnu
- le manque de transparence, de preuve ou d’information sur les faits énoncés
- les visuels trop suggestifs et les slogans abusifs par rapport à la réalité
- les promesses démesurées et intenables
- l’utilisation d’une terminologie approximative en abusant des termes “vert”, “naturel”, “biologique”...
- la valorisation de pratiques sans rapport avec le service ou le produit vendu
- l’appui de références imaginaires, sans rapport avec le sujet ou qui n’ont jamais donné un tel accord
- des objectifs sans preuve chiffrée ni calendrier clairement établi…
Des exemples notables de greenwashing
Nombreuses sont les grandes entreprises qui se sont fait prendre au piège du greenwashing parce qu’elles ont verdi leur logo, transformé leur packaging pour inciter les consommateurs, communiqué par une publicité clairement abusive ou vanté des progrès écologiques en occultant la réalité. La transformation du logo : un écoblanchiment “subtil”
Le géant américain du fast food McDonald’s a modifié son célèbre logo jaune et rouge en 2009. Arrivé en France en 2010, le nouveau fond vert était supposé donner une image de marque plus respectueuse de l’environnement et de la santé. McDonald’s en a profité pour vanter son circuit de production et de distribution plus “vert” et tenter de se délester de son image de malbouffe.
Des énergies “propres” pour masquer sa pollution
La voiture électrique est un exemple parlant de greenwashing : elle est vantée par ses fabricants comme non polluante, comparée aux véhicules à essence et diesel puisqu’elle n’émet pas de gaz à effet de serre. La fabrication de la batterie avec de nombreux métaux et terres rares extraits dans des conditions humanitaires et éthiques plus que discutables, les difficultés de recyclage et l’électricité nécessaire produite par des centrales à charbon ou nucléaires sont passées sous silence. La voiture propre est valorisée par une image verte qu’elle n’a pas réellement.
Dans la même idée, le développement du numérique valorise la fin du papier, coûteux en matières premières et en eau, en occultant la pollution induite par le stockage de données et la fabrication des équipements digitaux. En réalité, l’impact environnemental du numérique se mesure actuellement à 4% des émissions de CO2 mondiales.
Le visuel abusif dans le greenwashing
En 2015, la campagne de publicité d’EDF dans un quotidien alsacien a fait grincer les dents de tous ses détracteurs alors que le démantèlement de la centrale nucléaire de Fessenheim était d’actualité. Le montage visuel peu subtil mêle cascade naturelle et réacteur nucléaire. Le texte “L’électricité d’EDF repose sur un mix associant production nucléaire et énergies renouvelables. Ainsi notre électricité en France est à 98 % sans émission de carbone ni de gaz à effet de serre.”, suivi en pied de page par “Émissions directes, hors analyse du cycle de vie des moyens de production et des combustibles en France”, vante une électricité propre et décarbonée. Il ne précise pas quelle est la part d’énergie nucléaire par rapport au renouvelable et oublie subrepticement de mentionner l’impact écologique des déchets nucléaires et les risques environnementaux. Découvrez également les émissions de CO2 par source d'énergie dans cet article.
L’utilisation d’une référence imaginaire
En juillet 2020, la communication sur le site d’Air France a été retoquée par deux membres du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat sur Twitter. La compagnie aérienne s’était vantée d’avoir le soutien du GIEC sur ses projets de compensation carbone, ce que deux experts du groupe démentent formellement.
Les tweets sont en ligne :
Tweet 1
Tweet 2
Air France a immédiatement modifié son texte.
Le manque de transparence et la publicité mensongère
La campagne de pub pour la collection Conscious a valu à H&M d’être reprise par l’Autorité norvégienne de la consommation. En voulant valoriser un style éco-responsable et inciter les consommateurs à acheter ses vêtements en econyl (fibre de nylon recyclée), la marque suédoise a été accusée à raison d’un sérieux manque d’information et d’une réalité bien en-deçà de ses allégations. H&M étant connue pour produire des vêtements de fast fashion (des vêtements de qualité médiocre vendus à bas prix et fabriqués dans des conditions peu éthiques), la part durable de ces produits tient plus du greenwashing abusif que d’un réel engagement.
La compensation carbone : du greenwashing ?
Certaines ONG environnementales comme Greenpeace, Les Amis de la Terre et d’autres considèrent la compensation carbone des entreprises comme du greenwashing, une autorisation à polluer sans mesure, sous couvert du financement de projets de reforestation et de développement durable par les entreprises les plus polluantes. Pourtant, compenser ses émissions carbone en ayant conscience de son impact environnemental et en cherchant à corriger le tir est déjà un premier pas dans la lutte contre le changement climatique. Dans quelle mesure les entreprises qui entreprennent cette démarche sans mentir sur leurs intentions ni dissimuler leur pollution irréductible sont-elles à l’abri du greenwashing ?