Près d’un quart des 40 milliards de tonnes équivalent CO2 sont imputables au secteur du transport, tous modes confondus. Ces émissions de gaz à effet de serre sont rejetées chaque année dans l’atmosphère terrestre par l’ensemble des pays du monde. Les plus polluants sembleraient être l’avion, suivi du transport maritime et de la voiture individuelle. Le train, bon petit dernier à la course à la pollution, arriverait loin derrière. Mais qu’en est-il vraiment ? Est-il plus écologique ?
L’empreinte carbone des trains : calcul d’un indicateur de pollution
En 1997, le Protocole de Kyoto a reconnu six principaux gaz à effet de serre polluants : le dioxyde de carbone (CO2),le méthane (CH4), l'oxyde nitreux (N2O), les hydrofluoro carbones (HFC), les perfluoro carbones (PFC) et l'hexa fluorure de soufre (SF6). Pour simplifier les calculs et pouvoir évaluer leur impact sur le changement climatique, ces GES sont comptabilisés en équivalentCO2 en fonction de leur durée de séjour et de leur potentiel de réchauffement global (PRG). L’empreinte carbone est donc calculée par entité - secteur, individu, organisation, pays - en tonne équivalent CO2. Elle comprend les émissions directes, indirectes et celles liées à l’importation.
Le secteur des transports : un fort émetteur de CO2
En 2018, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) a évalué l’empreinte carbone globale des transports à l’échelle mondiale à 24% de la combustion d’énergie, pétrole entête. 60% sont imputables au transport des passagers et 40% au fret. Tandis que le transport routier représente à lui seul près des ¾ des émissions de GES du transport, l’aviation et le transport maritime près de 12% chacun, le transport ferroviaire n’est responsable que d’un faible taux, estimé à 1,2% (pour 9% du transport de fret total).
Malgré les directives internationales de l’Accord de Paris de 2015 et la baisse notable en 2020 (-7%) liée à la crise sanitaire de la Covid-19, l’empreinte carbone du transport pourrait augmenter de 60% d’ici 2050. Tout au contraire, pour respecter l’Accord de Paris et ainsi réduire les émissions de CO2 globales de 40% à l’horizon 2030, il faudrait que les émissions du transport de marchandises diminuent de 45% et celles du transport de passagers de 70%.
L’empreinte carbone par type de transport
Il y a un grand nombre de variables à prendre en compte (fabrication, recyclage, combustible utilisé, état du moyen de transport, etc.), pour déterminer correctement et avec précision l’impact d’un mode de transport. Ainsi est calculée l’empreinte carbone par tonne ou par passager et par kilomètre parcouru, qui permet finalement de les comparer entre eux.
L’empreinte carbone du secteur ferroviaire français
Le rail est le mode de transport le moins émetteur de CO2, avec seulement 1,2% des émissions de GES liées au transport mondial, et 9% du fret international. Cela s’explique notamment par un nombre de passagers important sur un même trajet, car son empreinte carbone se divise d’autant. L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie) a évalué la pollution du voyage en train comme 32 à 50 fois moindre qu’avec la voiture et 23 à 80 fois moindre qu’en avion. Elle varie selon le type de train mais ce mode de déplacement est-il vraiment si écologique ?
Les chiffres du voyage en train
Force est de constater que l’impact carbone du train est nettement moindre que celui des autres modes de transport. La SNCF évalue que ses émissions GES par voyageur et par kilomètre équivalent à 1,7 gramme, contre 35 grammes pour l’autocar, 88 grammes pour une voiture particulière avec deux passagers, 141 grammes pour l’avion et 193 grammes pour la voiture particulière avec un seul passager (hors voiture électrique)
En s’appuyant sur ses données 2019 (nombre de réservations et consommation d’énergie), la société a établi l’émission CO2 moyenne par kilomètre et par passager de ses trains :
- train à grande vitesse (TGV) : 1,73 gramme (1,9 gramme pour le TGV INOUI, 0,73 gramme pour le OUIGO et 2,05 grammes pour le LYRIA)
- Intercités : 5,29 grammes
- TER : 24,81 grammes
- Transilien : 4,75 grammes.
Sur les lignes européennes, l’émission au kilomètre est de :
- Thalys : 6,68 grammes
- Eurostar : 6,64 grammes
- Gala : 4,7 grammes
- Alleo : 7,2 grammes.
La SNCF, principal prestataire de voyage en train de France, s’est engagée dans une démarche RSE (Responsabilité Sociétale et Environnementale des Entreprises), en corrélation avec les directives de l’Accord de Paris pour la lutte contre le changement climatique. Des systèmes d’éco-conception et d’éco-conduite sont étudiés afin de réduire la consommation d’énergie de 20% sur les TGV d’ici 2025.
Quelques exemples concrets pour mesurer son empreinte carbone
L’empreinte carbone de la France avoisine les 11,5 tonnes équivalentCO2 par habitant et par an, soit le chiffre vertigineux de 805millions de tonnes eq.CO2.. Afin de respecter l’Accord de Paris et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, il faudrait passer de 11,5 tonnes à moins de 2 par personne, tous secteurs confondus.
Sachant qu’en moyenne, un Français utilise sa voiture individuelle pour parcourir 12500 Km à l’année avec un véhicule émettant 0,253 kg de CO2 au km, il produit 3,16 tonnes équivalent CO2 par an. Rien qu’avec son transport personnel, il a déjà dépassé de plus de 50% l’objectif. Néanmoins, une très large part pourrait être évitée en empruntant davantage les transports en commun, comme le train, et en se déplaçant à pied ou à vélo pour les petits trajets.
Autre exemple : un aller-retour en avion entre Paris et New-York représente par passager 2,6tonnes de CO2. Encore plus parlant, un aller-retour Paris-Londres en avion équivaut à 420 kg par passager, contre 6,6 kg en train (Eurostar direct). Sans oublier que l’on évite dans ce cas tous les transports annexes (navettes aéroports, taxis…) et leurs émissions.
L’impact carbone du fret ferroviaire
En 2020, le parc français du transport routier de marchandises (TRM) est estimé à 557 000 camions (plus de 3,5t), utilisés par 37 000 sociétés. Aujourd’hui, le TRM produit à lui seul 25% des émissions de CO2 du transport du pays, alors qu’il ne représente que 5% des véhicules.
Cette augmentation constante est liée à l’essor de la mondialisation, de la mobilité des marchandises internes et de l’import-export. Elle est également imputable au recul du fret ferroviaire : 9% en 2020 contre 18% en 2000. En cause, le vieillissement du réseau ferroviaire français, le manque de disponibilité des lignes et les coûts très élevés. Pourtant, son empreinte carbone est bien plus faible : 9 fois moins d’émissions au kilomètre et 6 fois moins d’énergie consommée. Doubler le transport ferroviaire équivaudrait à supprimer 20000 poids-lourds sur le réseau routier, pour une économie de 450 000 tonnes de CO2chaque année.
Et l’empreinte écologique du transport ferroviaire ?
L’empreinte carbone n’est qu’une partie de l’empreinte écologique qui, elle, mesure l’impact environnemental dans sa totalité. Si les données parlent d’elles-mêmes et prouvent que les émissions CO2 du trains ont bien en dessous de celles des autres modes de transport, on oublie bien souvent la colossale énergie électrique nécessaire. Rien qu’en France, la SNCF consomme 17 téra watts par heure : 62% sur le réseau ferroviaire, 23% sur son réseau routier et 15% pour ses infrastructures. Une partie de l’électricité est décarbonée puisque produite dans les centrales nucléaires mais celles-ci ont une empreinte environnementale forte, liée aux déchets et aux risques.
Les infrastructures et les rails coûtent également en matériaux, en ressources naturelles, sans parler des métaux et terres rares indispensables à la fabrication et au fonctionnement du réseau, lesquels ont une empreinte écologique et humanitaire conséquente.
En France, le maillage avoisine les 30 000 km de voie ferrée. Outre les nuisances sonores et visuelles pour la population, cela a un impact direct sur la biodiversité, particulièrement sur la faune sauvage qui voit son territoire s’amenuiser. L’entretien des voies de chemin de fer est maintenu grâce à la pulvérisation de grandes quantités de produits phytosanitaires. Ce désherbage nécessaire à la sécurité des lignes ajoute à la pollution des sols, des nappes phréatiques, de l’air et à la réduction de la richesse de l’écosystème.
Malgré ses limites, le transport ferroviaire est bien plus respectueux de l’environnement que la plupart des autres moyens de transport. Ses avantages sont nombreux. Complété d’une réelle politique de fret fluvial, il est particulièrement adapté pour la France à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, voire sa condition sine qua non.