Avec le dérèglement climatique et ses conséquences plus palpables d'année en année, les enjeux sociétaux et environnementaux des activités humaines sont plus que jamais essentiels à prendre en compte. Les entreprises ont un rôle-clé à jouer afin de répondre aux objectifs de l'Accord de Paris sur la neutralité carbone à atteindre le plus vite possible. Obligatoire pour certaines et recommandé pour les autres, le reporting extra financier leur permet d'entrer pleinement dans une démarche de développement durable, de valoriser les actions et de mesurer leurs responsabilités sociales et environnementales.
Qu'est-ce que le reporting extra financier ?
Selon le Ministère de la Transition Écologique, le reporting extra-financier est un document d'entreprise servant à « communiquer sur les implications sociales, environnementales, sociétales de ses activités ainsi que sur son mode de gouvernance ».
Il est également connu sous le nom de déclaration de performance extra-financière des entreprises (DPEF) et de rapport ESG pour une analyse extra-financière selon les critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance. Ainsi, on peut vérifier si l'entreprise agit de manière écoresponsable avec une démarche de responsabilité sociétale et environnementale (démarche RSE) active.
Quelles différences entre reporting financier et extra-financier ?
Le reporting financier d'une entreprise ou d'une société est un bilan annuel des données financières et comptables avec chiffre d'affaires, bénéfices et recettes, actions et investissements, évènements de l'année, stratégie et perspectives…
Bien que le rapport extra-financier lui soit de plus en plus souvent adjoint afin d'avoir une vue d'ensemble sur l'activité de l'entreprise, il ne concerne que sa partie développement durable.
Quelles différences entre reporting extra-financier et rapport RSE ?
Si les deux communiquent sur la démarche de responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise et sont intrinsèquement liés, le rapport RSE, officiel et généralement annuel, contient les actions mises en place et leurs résultats en matière de développement durable. Néanmoins, il n'est qu'une série d'indicateurs périodiques, relevés indépendamment les uns des autres, sans permettre de mesurer l'impact des actes.
Au contraire, le reporting extra-financier fait leur bilan complet, détermine quels sont les enjeux prioritaires pour les exercices à venir et comment atteindre les résultats escomptés, comme une feuille de route qui comprend selon le Code de Commerce (articles L. 225-102-1, et R. 225-104 à R. 225-105-2) :
- la description des risques liés à l'activité de l'entreprise
- les politiques élaborées pour "prévenir, identifier et atténuer la survenance de ces risques"
- les résultats de ces politiques avec les indicateurs clés de performance (ICP).
La législation internationale autour de la DPEF
La lutte contre le changement climatique concerne le monde entier. Lors de la COP21, l'Accord de Paris a défini l'objectif de limiter le réchauffement global à +1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels. Il est donc nécessaire d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 par une drastique réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités anthropiques dans l'atmosphère terrestre, et ce, à toutes les échelles. Les entreprises se doivent de mesurer leurs émissions et de mettre en place une stratégie de réduction. Pour cela, des recommandations et des directives sont émises.
Les recommandations internationales
À l'échelle mondiale, la DPEF (ou reporting extra-financier) répond aux recommandations de la TCFD (Task Force on Climate Disclosure), un groupe de travail international formé de représentants d'entreprises, d'investisseurs, de régulateurs et autres parties prenantes du secteur financier. Créée en 2015 par le Conseil de Stabilité Financière, la TCFD a établi un cadre commun de transparence des informations d'entreprise en matière de risques liés au changement climatique. Elle fournit des recommandations d'amélioration de la transparence, à intégrer à la DPEF sur quatre domaines thématiques :
- gouvernance
- stratégie
- gestion des risques
- métriques et cibles.
Les directives européennes
À l'échelle européenne, la NFRD (Non-Financial Reporting Directive) définie par la Commission Européenne en octobre 2014 et véritablement entrée en vigueur en septembre 2017 sera remplacée dès 2024 par la Corporate Sustainability Reporting Directive (pour Directive européenne sur la publication d’informations extra-financières pour les grandes entreprises).
Par la Directive 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022, la CSRD modifie la réglementation du rapport RSE (et, de fait; celle de la DPEF, tout comme ses équivalents dans les autres pays) en élargissant progressivement les objectifs d'harmonisation des données et de renforcement des obligations de reporting extra-financier pour les entreprises. La publication du rapport devra correspondre aux nouveaux standards ESRS (European Sustainability Reporting Standards) sur les normes environnementales, sociales et de gouvernance.
En outre, ces documents sont intéressants pour la taxonomie verte européenne (Pacte Vert) qui valorise les entreprises écoresponsables.
L'application de la CSRD en France
Ainsi, la DPEF doit contribuer aux objectifs de l'Union Européenne sur :
- les enjeux environnementaux → atténuation et adaptation au changement climatique, prévention et contrôle de la pollution, exploitation durable des ressources aquatiques, protection et restauration des écosystèmes, déploiement d'une économie circulaire (meilleure gestion des ressources, réduction des déchets…)
- les enjeux sociaux et sociétaux → bien-être des parties prenantes (salariés, fournisseurs, clients, usagers…), meilleures conditions de travail et de vie sur toute la chaîne de valeur
- la gouvernance → stratégie de gouvernance et de conduite responsable de l'entreprise, choix des labels RSE et des process.
Qui a l'obligation de rapport extra-financier en 2023 ?
À ce jour, l'obligation de déclaration de performance extra-financière des entreprises (DPEF), et donc d'intégrer les objectifs de durabilité au bilan périodique général de l'entreprise, par la NFRD ne concerne que :
- les sociétés cotées avec un effectif de plus de 500 employés et avec un bilan supérieur à 20M € ou avec un CA supérieur à 40M €
- les entreprises non cotées avec un effectif de plus de 500 employés et un bilan ou un CA supérieur à 100M €.
D'ici à 2024 et l'entrée en vigueur de la CSRD, d'autres entreprises pourraient être concernées par cette obligation :
- grandes entreprises de plus de 250 salariés avec 40M € de CA ou 20M de bilan
- PME cotées de 10 à 250 salariés avec CA compris entre 700 000 et 40M € ou bilan compris entre 350 000 et 20M €
- entreprises non-européennes qui interviennent dans l'UE avec un CA net supérieur à 150M € localement.
D'environ 10 000 aujourd'hui, 50 000 entreprises européennes seraient demain concernées par l'obligation de reporting extra financier.
Pourquoi faire un reporting extra-financier s'il n'est pas obligatoire ?
La DPEF est l'instrument mis en œuvre pour garantir que les entreprises respectent leurs engagements en matière de développement durable dans l'Union Européenne. Puisque les directives vont évoluer au fil des années en se durcissant et qu'elles vont concerner de plus en plus de structures d'activité, il est judicieux d'anticiper et de faire dès à présent son rapport extra-financier, même lorsqu'on est une micro-entreprise ou une PME non cotée. De plus, cela apporte d'autres avantages non négligeables.
S'engager activement dans une démarche de développement durable
La lutte contre le réchauffement climatique et le choix d'un développement durable nous concernent tous. Cela doit nous enjoindre individuellement et collectivement à répondre à nos besoins présents "sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs", selon la définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement de l'ONU.
Être transparent sur les impacts environnementaux et sociétaux des activités de l'entreprise
Reconnaître et mesurer sa responsabilité est déjà un pas positif. La transparence des conséquences de l'activité professionnelle dans leur ensemble permet à chaque partie prenante d'agir en connaissance de cause, mais aussi d'établir un état des lieux pour aller vers une amélioration durable en termes d'émissions carbone et d'exploitation des ressources.
Démontrer son engagement et valoriser son image de marque
Hormis les climatosceptiques, la population mondiale devient sensible aux enjeux environnementaux et sociétaux des activités humaines que les manifestations du dérèglement climatique ne nous permettent plus d'ignorer (multiplication des évènements météorologiques extrêmes, érosion des littoraux, montée du niveau des océans, diminution de la biodiversité, pollution de l'air…).
Quelle partie prenante qu'elle soit, elle est donc aussi sensible à la démarche RSE des entreprises qui s'engagent dans la réduction de leurs impacts, entraînant une valorisation de l'image de marque. À condition de ne pas verser dans le greenwashing qui a l'effet inverse…
Élaborer une stratégie d'entreprise à long terme
La DPEF peut être considérée comme une feuille de route avec ses objectifs à atteindre pour devenir une entreprise plus éthique et durable, mais aussi une entité plus attractive et performante.
Comment produire un rapport extra-financier d'entreprise ?
Les informations contenues dans le reporting extra-financier sont réparties en trois lignes directrices de conséquences de l'activité et de solutions d'amélioration :
- partie environnementale et climatique → consommation d'énergie, valorisation des énergies renouvelables, gestion des déchets, recyclage et upcyclage, économie circulaire, pollution (émissions CO2), stratégie de protection de l'environnement et de la biodiversité, compensation carbone, maîtrise des ressources, écoconception…
- partie sociale → bien-être des salariés, emploi dans l'entreprise, organisation du travail, santé, sécurité, formation, dialogue social…
- partie sociétale → égalité homme/femme, mesures contre la discrimination (couleur de peau, ethnie, religion, orientation sexuelle, handicap…), impact sur l'emploi et le développement local, sur la santé et la sécurité des différentes parties prenantes…
Pour chacune, sont détaillés quatre types de données :
- présentation du modèle d'affaires (activité et son périmètre)
- analyse des principaux risques RSE
- politiques appliquées
- résultats et indicateurs de performance.
Un bilan carbone (ou BEGES pour Bilan des émissions de gaz à effet de serre) avec les Scope 1, 2 et 3 peut être ajouté à la DPEF pour plus de transparence.
Qui contrôle le reporting extra-financier ?
La première instance de contrôle d'un rapport extra financier est un organisme tiers indépendant (OTI), mais il peut également faire l'objet de la vigilance de l'État.
La communication de la DPEF
La déclaration est communiquée aux actionnaires de la société cotée avec le rapport de gestion et dans le document d'enregistrement universel (URD). Par ailleurs, une publication sur le site web de l'entité est essentielle à la visibilité du rapport extra-financier.